PORTRAIT

Nicole Goulain Bernardy, passeuse de mémoire

Le Département s’apprête à commémorer le 80e anniversaire de la Libération de la Moselle en s’appuyant sur le témoignage de celles et ceux qui ont connu l’Annexion afin de transmettre une histoire rarement enseignée dans les livres. Nicole Goulain Bernardy, 92 ans, fait partie de ces témoins à la parole précieuse.

Évacués en 1939 ou expulsés en 1940, près de 400 000 Mosellans ont été jetés sur les routes au début de la Seconde Guerre mondiale. Parmi les survivants des expulsions, Nicole Goulain Bernardy. Née en 1931 à Metz, où son père tenait un commerce de graines et articles de pêche, elle n’oubliera jamais ce 21 novembre 1940. « À 7 h du matin, un soldat en arme et un officier allemands nous donnent 20 minutes pour nous préparer, avec 30 kg de bagages et 2 000 francs. Le soldat ne laisse même pas le temps à ma mère de prendre les biberons de mon petit frère de 21 mois. À la gare de triage du Sablon, on nous fait monter dans un train rempli de familles. Va-t-il partir vers l’Allemagne ? » Non, côté français, c’est un soulagement. La famille débarque à Ussel, en Corrèze. « Nous sommes hébergés chez un tailleur, mais mes parents préviennent un grand-oncle et une grand-tante qui nous accueillent à Saint-Étienne. Mon père, qui avait été fait prisonnier sur la ligne Maginot et libéré, devient chef emballeur aux Nouvelles Galeries, puis gérant d’une graineterie à Montluçon où nous nous installons en septembre 1941. Au lycée, par ignorance, c’est l’incompréhension. On me demande pourquoi on a été expulsé, ça paraissait inexplicable. » Au cours de cette période, la petite Nicole fréquentera dix écoles avant le retour à Metz, à Pâques 1945. « Ça a été terrible pour ma mère de découvrir notre maison saccagée, occupée par des fonctionnaires allemands et des soldats de la Wehrmacht. »

 

Je partage l'engagement du Département pour mettre en lumière le destin de ces Mosellans, car les jeunes ne savent pas ce qui s’est passé.

SERVIR ET TRANSMETTRE

Depuis, Nicole Goulain Bernardy juge nécessaire de témoigner de cette période aussi souvent qu’elle le peut. En recevant en 2023 les insignes de chevalier de la Légion d’honneur, elle a même considéré sa médaille comme le signe qu'elle devait s’investir davantage. « Je partage l’engagement du Département à travers ses nombreuses commémorations pour mettre en lumière le destin de ces Mosellans, car les jeunes ne savent pas ce qu’il s’est passé. C’est un devoir de mémoire. Cette idée de servir et de transmettre m’a toujours animée. Un autre motif tient à la montée actuelle des mouvements populistes, nous avons un devoir de vigilance, car ce qui s’est produit en 1940 peut se reproduire aujourd’hui, à l’image de l’entrée des troupes russes en Ukraine. Et le troisième motif, c’est le devoir de promouvoir l’Europe qui est peut être imparfaite, mais grâce à laquelle nous sommes à peu près en paix depuis 80 ans. »

Version du 11 septembre 2024

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